Écouter pour exister politiquement

Écouter pour exister politiquement

Dans une campagne municipale fondée sur la qualité relationnelle, plusieurs colistiers témoignent d’une conviction commune : écouter, c’est déjà agir.

En politique, les mots les plus simples sont souvent les plus exigeants. Écouter, par exemple. Tout le monde en parle, mais rares sont ceux qui en font une méthode de travail. Pourtant, c’est bien là que tout commence : dans la façon dont les gens se parlent, se comprennent, se respectent.

Nous avons rencontré plusieurs personnes engagées dans démarche collective où la qualité relationnelle n’est pas un concept, mais une boussole.

L’écoute, une manière de faire ensemble

Pour l’une d’entre elle, cette culture de l’écoute s’est construite dans la durée : une vie passée au service des collectivités, à comprendre comment se tissent les liens entre institutions et citoyens. Ajoutez à cet engagement professionnel vingt-cinq années de volontariat dans les sapeurs-pompiers. “Cela m’a appris le sens du collectif, de l’intérêt général et du service rendu aux autres”, confie-t-elle. “Participer à un projet local, c’est une continuité naturelle : être actrice de la vie de la cité, comprendre, échanger, contribuer.”

“On ne pense pas toujours pareil, mais on arrive toujours à trouver un terrain d’entente.”

Et souvent, cela commence bien en amont de la campagne. “Un trajet en voiture, un déjeuner, une réunion informelle : tous ces temps permettent de prendre du recul et de réaligner nos idées”. Un prérequis essentiel pour espérer ensuite bâtir un projet commun. “Dès les premières réunions, raconte cet autre colistier, nous avons voulu que chacun trouve sa place. J’ai veillé à ce que tout le monde puisse s’exprimer, sans se sentir dominé ou jugé.”

Cultiver l’intelligence collective

Et l’on comprend combien cela peut être précieux tant une campagne municipale est jalonnée de réunions de travail et, qui plus est, parfois animées ! Dans une liste, comme dans tout autre collectif, les points de vue diffèrent, les sensibilités aussi, mais c’est justement ce qui fait la richesse du groupe. “Chacun apporte son expérience, sa sensibilité.” Cette énergie, fragile mais féconde, tient à peu de choses : le respect du rythme de chacun, la possibilité d’exprimer un désaccord, la volonté de chercher le terrain d’entente plutôt que la victoire d’un point de vue.

“Chacun apporte son expérience, sa sensibilité.”

“On ne pense pas toujours pareil, mais on arrive toujours à trouver un terrain d’entente.” Cette phrase revient souvent parmi les personnes interrogées. Elle illustre un état d’esprit où la collégialité n’est pas qu’un principe, mais une pratique : celle de donner une place réelle à chaque voix. Certains sont plus extravertis, d’autres plus introvertis, mais tous trouvent à s’exprimer. Même les plus discrets. L’écoute devient ainsi un art du dosage : savoir laisser de l’espace sans perdre le fil. “La tête de liste, observe une participante, est très attentive à cela. Elle repère les qualités de chacun, veille à l’équilibre des échanges, et s’assure que tout le monde puisse s’exprimer”. Y compris les plus réservés.

Reconnaître pour mieux avancer

Dans cette aventure collective, la “qualité relationnelle” n’est pas une méthode douce : c’est une exigence. Elle suppose de la clarté, du courage, et parfois une certaine ascèse.
“Les relations humaines, c’est vivant, ça bouge, et parfois ça bouscule”, reconnaît l’un des interviewés. “Il y a eu des situations où la communication n’a pas été fluide, où des décisions ont été mal comprises.” Accepter cette vitalité, c’est déjà faire œuvre de maturité : comprendre qu’un désaccord ne met pas fin au lien, mais peut le renforcer s’il est traversé avec respect.

“Les relations humaines, c’est vivant, ça bouge, et parfois ça bouscule.”

“Personnellement, explique cet autre colistier, j’essaie de garder du recul. J’ai souvent le rôle d’intermédiaire, de ‘tampon’, pour que les choses ne dégénèrent pas.” Mais tout ne se règle pas toujours comme on le voudrait. Ce qui compte, c’est de rester dans l’écoute, même quand c’est difficile. Une posture qui, à l’échelle du territoire, prend toute sa dimension. Ici plus qu’ailleurs, la proximité n’est pas une stratégie de communication : c’est une manière de rendre la parole à ceux qui en sont souvent privés. “Les habitants ont besoin d’être entendus, pas forcément convaincus.” Cette phrase résonne comme un contrepoint au bruit du monde. Elle dit que l’écoute n’est pas soumission, mais reconnaissance. Reconnaître l’existence de l’autre, ce qu’il vit, ce qu’il perçoit, c’est déjà lui restituer une place dans le récit commun. À l’inverse, la surdité, qu’elle soit institutionnelle, médiatique ou personnelle, produit de l’exclusion.

Écouter pour durer

Car, toutes et tous partagent le même constat : l’écoute se perd parfois dans les niveaux supérieurs de décision. “Au niveau national, regrette l’une des colistières, ils sont déconnectés. Les élus locaux, eux, prennent tout : les critiques, les colères, les attentes.” Cette lucidité n’a rien de désabusé ; elle révèle une conscience du réel. À l’échelle locale, la parole circule encore, mais elle exige du courage : celui de reconnaître quand on s’est trompé. “Si les habitants nous disent qu’on s’est trompés, il faut l’entendre. Ça ne résoudra pas tout, mais c’est déjà une manière de respecter leur parole.” 

“Si les habitants nous disent qu’on s’est trompés, il faut l’entendre. Ça ne résoudra pas tout, mais c’est déjà une manière de respecter leur parole.”

 Reconnaître l’erreur, ce n’est pas céder ; c’est maintenir le lien. Dans cette démarche, la transparence devient une forme d’écoute : écouter aussi ce que renvoie le regard des autres, ce qu’ils comprennent ou pas de l’action menée. “On démarre à 29, on doit finir à 29.” Cette phrase, lancée comme une boutade par le numéro deux de la liste, est devenue une sorte de devise. Elle dit l’envie de rester ensemble, même quand les débats s’étirent, même quand la fatigue s’installe. L’écoute devient alors une compétence politique au sens noble : celle qui permet à un collectif de rester vivant, de traverser les désaccords sans se défaire. Elle ne garantit pas l’unanimité, mais elle rend possible le respect mutuel, cette condition sans laquelle aucun projet ne peut durer.