Maladresses : sur quel pied danser ?

Maladresses : sur quel pied danser ?

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Maladresses et faux pas rythment notre quotidien et nuisent fortement à la santé de nos relations. Comment les reconnaître et y répondre ?

Qui n’a jamais regretté une phrase mal formulée, un geste déplacé, un silence mal interprété ? Une maladresse, c’est souvent peu de chose. Pourtant, elle seule peut suffire à tendre une atmosphère, à blesser profondément un être cher ou à abîmer à jamais une relation. Dans certaines situations, elle fait rire ; dans d’autres, elle laisse un goût amer.

Ces faux pas, petits ou grands, émaillent notre quotidien. Et, la vie publique n’y échappe pas. En témoigne cet élu d’une commune rurale, contraint de quitter une réunion sous tension après un échange houleux avec l’un de ses administrés. Un projet d’aménagement mal expliqué, une réponse trop sèche, un ton mal perçu : en quelques minutes à peine, la relation s’est envenimée. Avec, en prime, une entorse à la cheville. En quittant précipitamment de la salle du conseil, le maire a en effet dévalé l’escalier. Une chute sans gravité, mais révélatrice : il venait littéralement de perdre pied, là où symboliquement, il ne savait plus comment avancer. 

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Maladresse… ou mal adressée ?

Rêverie, tension intérieure, distraction, peur du jugement… Les causes de nos maladresses sont multiples. Certaines trahissent un déséquilibre intérieur, d’autres une forme d’inadaptation à la situation ou à l’interlocuteur. Être adroit, ce n’est pas rien ! C’est être pleinement présent à soi, aux autres… et à tout ce qui surgit dans notre champ perceptif. Un défi de taille, surtout dans une société où la vitesse, le surmenage et l’ultra-contrôle dominent largement les interactions. 

Et, que dire de la perception de nos maladresses ? Derrière un mot de travers ou un comportement mal ajusté, on peut soupçonner un manque de respect, de considération, voire une volonté, même inconsciente, de prise de pouvoir. Dans les organisations, les familles ou les collectivités, ces ratés de la communication nourrissent parfois une forme d’usure. Minimes au départ, ces malentendus accumulés rongent la confiance et fragilisent la coopération. Mais il serait réducteur de ne voir dans la maladresse qu’un vilain défaut. Elle peut aussi exprimer une émotion sincère, une vulnérabilité touchante, un pas vers l’autre encore mal assuré. Tout l’enjeu consiste alors à faire la part des choses : distinguer ce qui relève d’un moment de fragilité de ce qui révèle un problème plus structurel dans la relation.

Quand le faux pas ouvre la voie

Reconnaître une maladresse, ce n’est pas excuser tous les comportements, ni tout justifier par manque d’aisance. C’est accepter que chacun puisse trébucher dans ses paroles, dans ses actes ou ses intentions sans pour autant disqualifier sa présence ou sa place dans la relation. C’est aussi permettre une lecture plus nuancée de l’autre : ni parfait, ni malveillant, mais tout simplement humain avec de vrais savoir-faire… et un manque d’expérience réel. 

Reconnaître quelqu’un, ce n’est donc pas seulement saluer ce qu’il fait de bien. C’est aussi légitimer son point de vue, ses intentions et, parfois, ses limites. Cela suppose d’admettre qu’un geste mal interprété peut avoir été bien intentionné, qu’une parole maladroite peut cacher une gêne sincère, qu’une action mal exécutée peut attester d’un manque de repères plutôt qu’un désintérêt. Derrière un geste trop vif ou une phrase mal tombée, il y a rarement l’intention. Mais presque toujours une relation qui vacille.

Reprendre pied

C’est précisément dans ces moments-là qu’un changement de regard devient nécessaire. Plutôt que de juger ou disqualifier, il s’agit de suspendre l’automatisme de la réaction, d’ouvrir un espace de compréhension mutuelle. Ce que propose précisément la médiation professionnelle : un cadre pour faire exister la parole de chacun, entendre ce que la maladresse signale. Et, dans les contextes professionnels, associatifs ou politiques, elle donne les moyens de remettre du lien là où la parole a pu heurter, blesser ou diviser. Pas pour excuser, mais pour comprendre. Pas pour pacifier à tout prix, mais pour trouver une issue à la relation, à savoir sa reprise, son aménagement ou une rupture.

À l’heure où la communication est partout mais la compréhension parfois nulle part, nos maladresses nous rappellent combien la relation humaine reste fragile. En les abordant non comme des fautes, mais comme des occasions de se (re)connaître et de se parler autrement, nous pourrons peut-être transformer nos faux pas en enjambées vers l’altérité. 

Marianne Fougère

Plume vagabonde et indépendante