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Pour les élus, reconnaître l’existence de situation de conflits est encore tabou. D’où l’idée de communautés de pratique pour qu’ils puissent échanger.
La pandémie de Covid-19 a été source de nombreuses souffrances et de grandes désillusions. Mais si le monde d’après tarde à advenir, le bilan de la crise sanitaire n’est pas que déceptif. Son plus grand mérite ? Avoir mis sur le devant de la scène le sujet de la santé mentale. Au travail, à la maison, à la télévision ou à l’école : les langues et la parole se sont, en effet, libérées. Si bien que 40 États américains ont lancé en octobre dernier des poursuites judiciaires contre Meta, maison mère de Facebook et Instagram, deux plateformes qu’ils accusent de nuire à la santé mentale des plus jeunes. Mais si les dirigeants et les pouvoirs publics ont saisi l’importance de se soucier de la santé mentale des individus, à l’échelle collective c’est une tout autre histoire qui semble s’écrire. Les organisations, les équipes de travail comme les collectivités territoriales ou les collectifs créatifs peinent encore à reconnaître l’existence de conflits et de tensions en leur sein. Un tabou qui a un impact direct sur la qualité relationnelle et donc, par conséquent, sur la santé et la solidité de la collaboration.
Un tabou d’autant plus difficile à lever que les conflits se multiplient, que leur nature se diversifie, que demander de l’aide est associé à un sentiment de honte… Comme cela peut être le cas pour les maires et, plus largement, les élus de la République qui, quand ils ne tentent pas d’étouffer le conflit, font face à une alternative peu réjouissante : soit des échanges vifs, et souvent sans issue, avec leurs administrés, soit une judiciarisation à l’outrance du conflit. Aussi, si nous pouvons que nous réjouir de la volonté du Conseil National de la Médiation de reprendre l’idée d’un droit à la médiation, encore faudrait-il que les conditions soient réunies pour que les élus – et tous les citoyens après eux – puissent se saisir d’un tel droit. Encore faudrait-il que les aléas relationnels soient reconnus pour que la perspective d’un projet relationnel librement établi puisse être envisagée.
Des communautés pour partager les bonnes pratiques
Première étape ? Créer des communautés de pratique et d’échange entre maires. C’est en tout cas, une proposition portée par Accords Médiations car ce dispositif permettrait non seulement aux élus d’entrer en contact les uns avec les autres mais aussi de briser le mur qui semble parfois séparer les acteurs de la médiation professionnelle des acteurs de terrain de la République. Une communauté de pratique est constituée par un groupe de membres – d’un même territoire ou pas – engagés dans la même “pratique” comme l’exercice d’une même fonction. Emails, rencontres en face-à-face, séminaires, club informel : les mécanismes pour communiquer régulièrement entre eux peuvent être divers et variés. Mais tous ont pour objectif de favoriser le partage de connaissances, d’identifier les bonnes pratiques, d’isoler les erreurs, de rechercher des solutions en commun…
… et innovantes qui plus est ! Car les idées émises par les communautés de pratique se distinguent par leur qualité élevée. Les communautés de pratique créent, partagent et conservent les connaissances de manière plus efficace que ne le feraient des structures formelles et officielles – comme, par exemple, un groupe de travail ou une commission mis en place au sein de l’Association des Maires de France ou d’une collectivité territoriale. Par ailleurs, les échanges entre les membres peuvent ouvrir des perspectives nouvelles qui, par “contagion”, pourront infuser et aboutir à de nouvelles manières de faire. Aussi, les communautés de pratique peuvent-elles être perçues comme un “réservoir” de connaissances et d’idées créatives dans lequel puiser pour contribuer à la restauration de l’entente, pour œuvrer à la qualité relationnelle.
La médiation comme lieu de rencontre
Échanges et créativité : telles sont donc les deux caractéristiques des communautés de pratique qui méritent, selon nous, tout particulièrement notre attention. Pourquoi ? Pour la simple (et la bonne !) raison que la mise en place de ces “clubs” informels permettrait de faire prendre conscience aux maires et aux élus que, face à une situation de conflit, il est tout à fait possible de faire autrement, que la résignation n’est pas l’unique option et, surtout, qu’ils ne sont pas seuls. Mais, comment s’assurer que ces communautés n’apportent pas un bénéficie qu’à leurs seuls membres ? Comment mesurer leur impact dans la démocratisation d’un accès pour tous à la médiation professionnelle et ses outils ? Sans échanges plus larges, sans retours d’expérience, ces communautés de maires risquent de rester à distance de leurs concitoyens et administrés. D’où, toute l’importance des médiateurs professionnels pour organiser la rencontre entre ces mondes, entre ces différents acteurs.
La médiation professionnelle s’organise autour d’un processus structuré et d’outils. Mais elle peut être considérée plus largement comme un espace intermédiaire organisé autour d’espaces physiques ou cognitifs. Ainsi, la médiation professionnelle propose des lieux effectifs de rencontre que ce soit des espaces virtuels ou des entretiens en présentiel individuels. Le paradigme de l’entente représente un espace cognitif structurant, fédérateur et porteur d’explorations. Et pour créer des conditions propices à la rencontre et à l’interaction, les médiateurs imaginent des événements ou portent des projets. En témoignent le Symposium de la Médiation Professionnelle, les webinaires organisés par Accords Médiations ou encore les projets des personnes accompagnées par les médiateurs. C’est pourquoi Accords Médiations se déclare candidat pour jouer pleinement ce rôle d’intermédiation, pour fournir le terreau nécessaire pour faire naître et développer des communautés de maires et, ce faisant, créer le climat de confiance adéquat pour transférer les idées exploratoires issues de ces communautés et détabouiser les conflits et l’accès à la médiation. L’appel est lancé !
Marianne Fougère
Plume vagabonde et indépendante