de décrypter une actualité ou un fait de société, et vous propose sa vision.
Telle est le secret du philosophe Baruch Spinoza, parrain de la nouvelle promotion des médiateurs formés à l’EPMN.
Le rouleau-compresseur de la rentrée n’est pas encore derrière nous et la fin de l’année encore trop loin pour pouvoir dresser le bilan. Mais rien ne nous interdit de jeter un œil dans le rétroviseur des précédents décryptages. Le mois dernier, en effet, nous nous sommes arrêtés sur la notion d’événement. Nous avons évoqué ces événements réguliers qui reviennent telle une ritournelle, ces événements médiatiques que sont la Coupe du monde de rugby ou les Jeux Olympiques. Nous avons introduit ces événements que nous organisons en ligne ou ces événements professionnels qui nous permettent de nous réunir. Comme ce fut le cas avec le symposium de la médiation professionnelle les 12 et 13 octobre. Au programme ? Des ateliers de perfectionnement, des retours d’expérience, des témoignages, la remise des Espoirs de la Médiation, etc.
Pour les médiateurs, comme pour tous les professionnels, la tenue de tels événements est essentielle. Grâce à eux, il devient possible de (re)mobiliser les troupes, de se rencontrer entre pairs, de sensibiliser le grand public à la problématique de l’entente sociale, de faire émerger de nouvelles idées, de débattre autour d’enjeux d’actualité, de stimuler le changement, d’accueillir de nouvelles personnes dans la profession à l’instar de la promotion Spinoza fraîchement formée par l’EPMN. L’occasion de revenir sur quelques-uns des concepts-clés du philosophe néerlandais.
Free from desire* ?
Le choix de Spinoza n’est pas surprenant quand on sait combien les médiateurs sont attachés à la notion de liberté, quand on connaît le primat qu’ils accordent à la raison. Pour Spinoza, comme pour les médiateurs, cette dernière doit nous éclairer. Ni l’un ni les autres n’occultent l’influence des affects, des émotions, des peurs sur nos choix. Mais, ils sont convaincus que la liberté est à portée de mains. À nous de la saisir, de devenir libres, en désignant comme “bon” pour nous ce que nous jugeons désirable. Et ce qui sera désirable pour moi, ne le sera pas forcément pour vous. Car, si nous sommes toutes et tous des êtres de désirs, nous sommes avant tout des êtres uniques. Aussi, il ne saurait y avoir de désirable en soi. Une disqualification spinoziste des notions absolues et universelles de Bon et de Mauvais, de Bien et de Mal qu’apprécieront sans aucun doute les médiateurs professionnels !
Le problème ? Il peut arriver que nous n’ayons pas une perception adéquate de notre désir. Dans ce cas de figure, la tristesse prend le dessus sur la joie. Ou, pour employer un vocabulaire plus spinoziste, notre désir nie et diminue notre puissance d’exister. Nous voilà alors à imaginer que certains objets sont bons pour nous alors que clairement ils ne le sont pas. D’où, l’importance de la raison qui nous force à avoir une idée adéquate de nos désirs.
Ajuster ses désirs : tout un art
Spinoza, on le voit, ne dissocie pas l’âme et le corps, pas plus que les émotions et la raison. Il déploie, surtout, une philosophie paradoxale de la liberté qui ne s’oppose pas à la nécessité : je suis libre si j’agis selon la nécessité de ma nature ; je ne le suis plus dès l’instant qu’une contrainte ou qu’une personne extérieure me pousse à agir de telle manière plutôt qu’une autre.
Aussi, la liberté s’oppose-t-elle à la contrainte. Elle est un art de la négociation. En jeu ? L’émergence de désirs émancipateurs. Ce qui passe aussi par le bricolage dans nos agendas, dans nos salles de réunions, dans nos webinaires, de petits dispositifs pour infléchir les flux des désirs, les nôtres comme ceux des autres. La difficulté c’est que nous ne pouvons pas connaître avec certitude ces derniers. D’ailleurs, peut-être que les autres n’ont pas eux-mêmes une idée claire de leur puissance. C’est pourquoi il faut sans cesse ajuster et réajuster notre attitude à leurs réactions et réponses. Pareil ajustement requiert un travail de tous les instants. “Il ne s’agit pas simplement de découvrir le juste et de passer à autre chose, car ce juste n’existe pas**”. Il s’agit de constamment recommencer l’effort pour que la relation demeure fondée sur la confiance. Pareil ajustement est aussi et d’abord le grand enjeu des praticiens de l’ingénierie relationnelle que sont les médiateurs professionnels qu’ils fassent partie ou non de la promotion Spinoza !
Marianne Fougère
Plume vagabonde et indépendante
* Titre en référence à la chanson de la chanteuse italienne Gala.
** Baptiste Morizot, Manières d’être vivant. Enquêtes sur la vie à travers nous, Paris, Actes Sud, 2020.