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Transmettre oui, mais comment ? Les méthodes actives et autres outils invitent à repenser la relation pédagogique. À l’école comme dans les entreprises !
On dit des crises qu’elles sont d’excellents leviers d’accélération. Ce n’est pourtant pas l’impression qui se dégage a priori de notre expérience des différents confinements. La crise sanitaire a bien plutôt mis au pas nos vies et nos activités. Secteur le plus emblématique de cette mise à l’arrêt forcée, les bars et restaurants sont restés fermés plus de sept mois. Mais, s’il est un autre domaine qui a subi de plein fouet les conséquences de la pandémie de Covid-19, c’est bien celui de l’Éducation.
Ainsi, selon un rapport de l’Unicef, 1,5 milliard d’enfants ont été privés d’école au plus fort des mesures de confinement nationales et locales. Et, pour au moins 463 millions d’entre eux, l’enseignement à distance n’a pu être envisagé*. Pour les autres ? Le bricolage a été de mise. Les enseignants ont dû redoubler d’efforts et d’imagination pour assurer coûte que coûte, et quoi qu’il en coûte, la continuité pédagogique. À plus ou moins longue distance, ils ont donc cherché à concilier modules synchrones et asynchrones, à redonner aux élèves un contrôle plus important sur leur propre formation ou même à redécouvrir les pédagogies dites actives.
La crise de l’Éducation
Depuis, la plupart des écoliers ont repris le chemin de l’école**. Et l’heure est au bilan. Mondiale, la crise de l’Éducation est d’abord celle des approches éducatives “traditionnelles”. Mais, si ces dernières ne représentent pas la meilleure méthode pour apprendre, qu’en est-il des pédagogies actives ? Hors contexte pandémique, des dispositifs comme la classe inversée sont-ils aussi efficaces qu’ils le promettent ?
C’est en tout cas ce qu’a voulu savoir une équipe de scientifiques américains. Dans un dossier publié dans la revue Science, ils ont cherché à évaluer la performance des pédagogies actives. Leurs conclusions ? Sans surprise, avec elles, les élèves deviennent acteurs de leur formation et non simples consommateurs de savoir. Mais, les études qu’ils ont rassemblées ont montré que les méthodes actives avaient bien d’autres atouts à faire valoir en termes de qualité d’apprentissage, de développement des capacités d’exécution ou de réduction des inégalités scolaires. Cela ne signifie pas pour autant que les vieilles méthodes ont vocation à disparaître. En effet, les étudiants eux-mêmes pensent qu’ils apprennent mieux en écoutant qu’en faisant. Quant aux enseignants ? Ils craignent que les pédagogies actives changent les dynamiques de classe et créent des situations stressantes pour les étudiants… comme pour eux !
Inverser les postures ?
Il faut dire que laisser la main aux élèves sur un cours d’histoire ou de philosophie à de quoi angoisser un professeur habitué à dicter l’agenda ! Prenons, par exemple, une séance consacrée à l’Empire et distribuons à la classe des documents. Que se passe-t-il ensuite ? Est-on bien sûr que le travail de groupe ne va pas se transformer en discussion enflammée… mais sur un tout autre sujet que les heurs et malheurs de Napoléon Ier ?! Ne soyons pas pessimistes et imaginons que les élèves se mettent véritablement à étudier le corpus. Quel cours va ressortir de leurs échanges et analyses ? Depuis des générations, ils sont form(at)és à apprendre par cœur leurs leçons… pas à les construire. Ça, c’est le rôle de l’enseignant. Comment celui-ci doit-il alors se repositionner quand le cours final n’existe que grâce au travail des élèves qu’il se contente de revoir et de corriger ?
Avec un principe de classe inversée comme celui décrit ici, l’enseignant n’a en effet d’autre choix que de descendre de son estrade. Il doit troquer sa casquette de détenteur de l’information pour endosser celle de “coach” des apprentissages. Ainsi, passe-t-il du “face à face au côte à côte”. Révolutionnaire ? Pas vraiment. Car le propre de l’enseignement laïc et républicain n’est-il pas justement de mettre les élèves en situation de s’émanciper ? La classe inversée comme les pédagogies actives ne sont pas des méthodes parmi d’autres. Elles rappellent ce qui fait précisément la spécificité de l’éducation : offrir des outils d’intégration qui constituent autant de moyens de s’émanciper et de penser par soi-même. Arrêtons donc la machine à fantasmes ! Les méthodes actives n’obligent en rien l’enseignant à renoncer aux prérogatives qui sont les siennes. Bien au contraire ! Invité à proposer des objets autour desquels confronter les opinions et des règles de fonctionnement permettant à chacun de s’impliquer, l’enseignant ne fait rien d’autre que ce qu’il a toujours fait : embrasser pleinement son rôle de médiateur.
Médiation des savoirs
Ce dernier ne se limite pas aux bancs de l’école. En effet, la question de la transmission des savoirs et des connaissances dépasse largement le cadre scolaire. Elle devient même existentielle en entreprise. Et, là-aussi, la pandémie a eu un effet dévastateur en venant supprimer de fait tous ces échanges informels grâce auxquels se joue l’essentiel de la formation et du développement des compétences. Dans les organisations, la crise n’a en réalité fait que révéler un problème d’appropriation des savoirs déjà existant. L’enjeu ? Faire comprendre aux collaborateurs ce qui se passe, dans un environnement de plus en plus complexe. Or, le management se contente encore trop souvent d’accumuler et de transmettre sans se soucier de savoir si l’information a bien été comprise à tous les niveaux hiérarchiques ni de communiquer avec les fonctions techniques.
Décrypter, valider, vulgariser, faire le lien entre les équipes, etc. : autant de missions qui pourraient être prises en charge par la création, en interne, de postes de « médiateur intellectuel ». Curieux ? Pourtant, les musées ont saisi l’importance de ce métier à la croisée de la communication et de l’information, des dimensions cognitives et relationnelles. Pourquoi d’autres organisations comme les entreprises ne pourraient pas s’en inspirer ? Car, c’est aussi de la bonne transmission des informations et d’un management de la connaissance (knowledge management) actif et horizontal que dépend la qualité relationnelle au travail. Le partage des savoirs participe, en effet, à nourrir le dialogue et, ce faisant, à diminuer les points de tensions et autres incompréhensions.
Pour les entreprises, c’est une révolution ! Et les ateliers proposés par Accords Médiations vous aident à enclencher et accompagner un tel changement.
Marianne Fougère
Plume vagabonde et indépendante
* Unicef, “Covid-19: Are Children Able to Continue Learning During School Closures ? A Global Analysis of the Potential Reach of Remote Learning Policies Using Data from 100 Countries”, août 2020.
** À la rentrée 2021, les écoles avaient totalement rouvert dans 115 pays, partiellement dans 50 mais restaient complètement fermées dans 17 autres.